Salut les amis,
Il y a une dizaine d’années, je suis cloué au lit pendant 15jours par des problèmes de santé peu graves, mais douloureux. Après 72h de Battlefield 2 non-stop, j’ai les yeux qui piquent un peu et les cuisses brulées au troisième degré par le dessous du laptop.
Il est temps de stopper, et d’aller troller plus intensément sur le web horloger, au détour d’un forum, je découvre une montre incroyable, la HL02 de Hautlence, un truc totalement inédit, tant du point vue esthétique, que de la complication.
Pour ceux qui n’étaient pas là, ou qui ont oublié, rappelons un peu le contexte de l’époque : les forumeurs vouaient un culte quasi religieux à deux montres : la Rolex Submariner et l’Oméga Speedmaster, les Paneristis étaient pourchassés comme les premiers chrétiens, Lange regardé avec beaucoup de suspicion, Patek était loin et le fin du fin, c’était une Rolex Daytona…
Vortex vs HL:
- En tant que passionnés d’horlogerie, on était encore dans l’ancien paradigme horloger; celui qui a prévalu dans l’horlogerie d’avant la crise du quartz : une horlogerie utilitaire de conception Européenne (France, UK, Allemagne, Italie), améliorée et sublimée par l’art des terminaisons et la précision de la micromécanique Suisse.
Le passage au paradigme de l’horlogerie d’art et de loisir n’était pas encore acté par les produits, qui s’inscrivaient dans une belle mais un peu poussiéreuse tradition remontant à l’immédiate après-guerre.
C’est là que sont arrivés les horlogers indépendants, dont la proposition va consister à révolutionner les affichages et les formes.
Ceci peut paraitre étonnant, mais c’est finalement très logique : à partir du moment où l’on revient à la base pour cause de désuétude de la périphérie, on oublie les complications pour sur-développer l’essentiel : l’affichage.
- C’est l’idée de fond qui dicta la création d’Hautlence en 2004 : une nouvelle manière d’afficher l’heure et de présenter une montre.
Hautlence (prononcer HauTlence) fut l’étoile filante de ces débuts de l’horlogerie indépendante.
Chez les autres indés : MB&F, Greubel Forsey, De Bethune, etc… Il faudra attendre quelques années avant de voir des produits complétement aboutis reflétant le génie de leurs créateurs respectifs.
HauTlence va taper juste immédiatement avec une montre éminemment désirable : la HL. Cette montre va combiner une esthétique très forte, en exploitant le format TV Screen (typiquement 70’, mais oublié en 2004-5) avec une complication d’affichage inédite dans une montre : heure sautante et affichage rétrograde de la minute par bielle.
- Malgré ses aspects novateurs, la première HL (en particulier la 02 & 05) va être un parangon d’équilibre et d’esthétique, propulsant Hautlence dans le top des marques indépendantes les plus sexys.
Et après ? Le marasme. Etranglé par des rapports difficiles avec les investisseurs, le subséquent départ de François Quentin, Hautlence va avoir de la peine à financer ses couteux développements, rhabillant le premier mouvement de la HL, avec plus ou moins de bonheur, mais sans le souffle de la première.
Début 2010, je me rends chez Hautlence, ils sont alors de mettre au point un truc fou, que je vais avoir le privilège d’être le premier blogger à voir : un nouveau mouvement qui affiche l’heure par chaîne, et bénéficie d’une minute rétrograde sautante. Un gros mouvement, super compliqué, on dirait un châssis de char d’assaut miniature, complexe et lourd. J’adore immédiatement.
Guillaume Tétu me présente également le prototype du boîtier : j’aime moins, la montre est bien rectangulaire, mais dans le sens vertical, d’ailleurs je pose la question à Guillaume : « Quand la faite-vous en sens horizontal ? »
5ans et demi plus tard, j’ai enfin la réponse : la Vortex.
C’était un peu long, mais ça valait le coup d’attendre, surtout que l’ouvreuse de ce long entracte, c’est Eric Cantona, le footballer le plus street crédible de l’histoire. Un partenariat exceptionnel pour Hautlence : Eric n’est pas très cher et s’investit à fond dans la création horlogère, avec une créativité débridée digne de sa marionnette aux guignols (quand les guignols étaient encore drôles).
Que ce soit comme footballeur ou comme ambassadeur horloger, Canto c’est l’opposé du footeux bellâtre, pardon du métrosexuel engagé par Breitling, David Beckham, l’ultime poseur.
- Revenons à la Vortex.
Le défi pour Hautlence était double : revenir aux sources tout en réussissant à emboiter un mouvement aux dimensions hors norme : 37.8 x 33.2 x 12.35mm, et 15.4mm d’épaisseur avec le bloc de balancier à 90°. Contrainte supplémentaire d’emboitage : la montre doit être pourvue de glaces saphir sur 4 des 6 faces, les deux dernières étant réservées aux cornes.
Les designers Parisiens ont usé de plusieurs astuces pour casser les volumes de l’imposant boîtier en titane grade 5 de 50*52*20mm.
L’artifice le plus efficace, c’est d’avoir scindé, dans le sens de la diagonale, les flancs du boîtier, qui sont donc dotés deux faces supplémentaires. Cela casse complétement l’effet d’épaisseur de la montre, et si guillaume ne me l’avait pas dit, je n’aurais pas pu deviner que la montre atteint le seuil psychologique des deux centimètres d’épaisseur…
D’autre part, ce boîtier est légèrement trapézoïdal, ce qui renforce l’effet TV Screen (tendance TV à la Star Wars, j’attends avec impatience la version DLC, tribute to Dark Vador).
Vous constatez également sur les photos que la partie dévoilant l’organe réglant n’est pas masquée par l’armature en titane du boîtier, mais bénéficie d’un saphir de forme, qui là encore casse les lignes et affine la montre, tout en sublimant l’effet trapèze.
- D’une manière plus générale, la multiplication des glaces (6), met si bien en exergue le calibre, qu’on se surprend à considérer autant le volume du calibre que celui du boîtier lorsqu’on appréhende le gabarit de la Vortex.
Au poignet, la montre est en fait très légère grâce au titane et le format TV Screen lui offre une répartition optimale de la masse sur l’os du poignet (ou sur le gras dans mon cas), le seul danger, avec l’épaisseur réelle c’est les chocs.
On est déçu en bien.
L’heureux constat que l’on peut faire au poignet, c’est qu’on retrouve les sensations de la première HL, celle de porter un petit lingot au poignet, une impression de solidité (pourtant si la première HL était un blockhaus, ici visuellement, c’est une tour de verre), de paradoxale masse, vu sa légèreté (moins de 100grammes).
L’autre évolution appréciable, c’est la nouvelle disposition du calibre HL2.0, en passant au format TV Screen, l’organe réglant est encore mieux mit en avant, bien que ce ne soit pas une nouveauté, c’est toujours impressionnant de le voir en fonctionnement.
Notez que tout l’ensemble balancier-spiral/échappement est fixé sur un pont mobile qui tourne sur son axe.
Le principe est le suivant : lorsque l’aiguille rétrograde des minutes arrive à 60, cela entraine un saut de la chaine, qui fait sauter tout le bloc de l’organe réglant de 60°. Ainsi en 6h, l’échappement a fait une rotation de 360°, ce qui est la définition littérale du Tourbillon.
- Un tourbillon, c’est toujours un prétexte pour en mettre plein les yeux, ici, non seulement ça pète, mais surtout c’est un type de complication d’échappement nouveau, inauguré par Hautlence pour la HL2.0 (modèle dont les ventes ont permis à la marque de tenir jusqu’à aujourd’hui).
Cette version Vortex du mouvement HL2.0, apporte plusieurs nouveautés, la principale, c’est le passage à un spiral unique cadencé à 21600a/h (pour 40h de RdM) au lieu des 18000a/h par double spiral précédemment utilisés. J’ai une petite préférence pour le 21600, dont la base 6 correspond mieux au système sexagimal utilisé dans l’horlogerie, c’est également une base 6 qui régit le saut du bloc d’organe réglant, la boucle est bouclée et le logo représentant l’infini de Hautlence pleinement respecté.
Esthétiquement, le bloc d’échappement évolue vers un design plus anguleux, qui va bien avec le design du boîtier. Le calibre lui, conserver l’esthétique concentrique de la HL2.0, ce qui est un peu dommage. Plus étrange : un anneau incliné se trouve sur le bloc d’échappement, il est uniquement ici à titre décoratif.
- Esthétiquement, ça marche, mais mécaniquement ça ne sert à rien, et ça dérange ma psychorigidité horlogère (un camarade blogger me présentait comme un taliban horloger : « Breguet Akbar » lui-répondis-je).
Si la décoration évolue un peu (dans le bon sens), la complexité mécanique reste la même : 2 barillets (complication et temps), 552 composants, 92 rubis, système de « force constante » pour la régulation de l’énergie du saut de chaîne, et différentiel à 90° pour le saut du bloc d’organe réglant.
Le cadran enfin, pour ceux qui ne connaissent pas l’univers Hautlence : à 9h on trouve le guichet de la chaine des heures, au milieu, la minute rétrograde, à 3h la réserve de marche et à 6h, le bloc d’échappement.
Il ne faut pas vous fier aux photos, il s’agit d’un prototype, la teinte du verre va légèrement évoluer vers plus de transparence. En l’état il fait son job, donner un peu de sobriété à l’ensemble pour laisser la vedette au bloc d’échappement. On pourrait pinailler sur l’absence de décoration de la barrette à 3h en vis-à-vis du guichet des heures. Dans la version finale, une décoration plus élaborée est prévue.
Au-delà du nécessaire pinaillage, l’information à retenir, c’est qu’Hautlence renoue avec le succès, du point de vue business (nouvel investisseur), du point de vue communication (Hou Ha Cantona!!), du point de vue créatif (Guillaume est sur des très gros projets), et surtout horloger avec cette salvatrice Vortex.
Infiniment votre.
Malik.
